LOA S'offrir des vacances, un casse-tête pour les éleveurs
"Si on avait plus de revenus, on partirait plus longtemps", affirme un éleveur breton, tenté de s'offrir davantage de vacances comme l'y incite le projet de loi d'orientation agricole actuellement débattu par les députés.
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Faute de gains suffisants, Pierre Tostivint, 41 ans, dit ne pas avoir pris un jour de congé les 14 premières années après son installation à Pleumeleuc (Ille-et-Vilaine). Désormais, cet aviculteur essaie de partir "quinze jours l'été, si les poulaillers sont vides". A l'heure actuelle, deux semaines par an est le maximum que s'offre la majorité de ses collègues éleveurs. "Dans l'agriculture, l'élevage est le secteur qui comporte le plus de contraintes quotidiennes. Avec les bêtes, c'est du 24 heures sur 24", reconnaît Pierre Chevalier, le président de la Fédération nationale bovine. "C'est une injustice, surtout pour les enfants qui voient leurs camarades de classe partir en vacances alors qu'eux doivent rester avec leurs parents sur l'exploitation. Même aller à la communion d'une cousine est un problème. On est obligé de dire: "Non, il y a la traite du soir, on peut pas", reconnaît Christine Jouan, qui gère avec son mari une exploitation à La Nouaye (Ille-et-Vilaine).
Le nouveau projet de loi prévoit que les éleveurs bénéficieront d'un crédit d'impôt d'un montant de 900 euros maximum pour payer un remplaçant 130 euros par journée de travail effectué, dans une limite de deux semaines. Ce système permettrait aux éleveurs -a priori imposables- de ne pas avoir à subir ce que certains appellent le "double coût" des vacances. "Il faut à la fois rémunérer le vacher (remplaçant, NDLR) et se payer les vacances", explique M. Tostivint. Les éleveurs, notamment les jeunes qui ne font pas partie d'un groupement agricole d'exploitants en commun (Gaec) ou ne sont pas associés avec d'autres éleveurs, devraient être les premiers concernés par cette mesure. Car les agriculteurs plus "installés" n'ont pas attendu le projet de loi pour partir en congé, grâce à l'essor des associations de remplacement qui mettent à disposition des éleveurs tournant sur les exploitations durant les vacances comme en cas d'accident ou de maladie.
Eric Guerveno, 41 ans, éleveur de vaches laitières à Plounevez-Quintin (Côtes-d'Armor), lui, a décidé de se mettre en Gaec avec son frère et sa belle-soeur. "Quand je pars en vacances, une semaine par an, ils me remplacent. Je fais pareil pour eux". D'autres éleveurs optent, tels Isabelle Le Balleur, 40 ans, à la tête d'un élevage à Pruillé-Le-Chétif (Sarthe), pour l'emploi d'un salarié à mi-temps. "Il connaît bien l'exploitation, il nous remplace quand on prend une semaine en été et une autre en hiver". Comme le dit David Buan, président du syndicat des Jeunes agriculteurs d'Ille-et-Vilaine, la mesure gouvernementale pourrait donner "un coup de pouce aux agriculteurs, surtout aux jeunes qui viennent de s'installer en individuels". Mais, si le crédit d'impôt ne bénéficie qu'aux éleveurs imposables, "peu d'agriculteurs rentreront dans le cadre car, en Bretagne, beaucoup d'entre nous ne gagnent pas le Smic. Cela va écarter un maximum de gens. Alors, comme d'habitude, la montagne va accoucher d'une souris", regrette M. Tostivint.
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